EcoTrail 80 de Paris 2014

le 29 mars 2014 à 12:00

lhsblg00Une course, c’est également l’entraînement et la préparation. Un tout, une globalité. L’EcoTrail est ma première compétition de l’année pas une fin en soi mais plutôt une préparation, un lieu de réglages pour le point culminant de l’année avec l’Ultra Marine de 177km. Cela reste tout de même un joli parcours roulant de 80km et env. 1400M de D+. La préparation s’est bien passée, après un mois de février catastrophique (2 gros rhumes et une gastro), le mois de mars a été bon. Presque trop avec quelques manques de rigueur sur certaines sorties longues et même si cela reste des promenades, il faut rester rigoureux au niveau de l’alimentation pendant les sorties.
Retour à l’EcoTrail.

J-2

2 jours sans boulot (ou presque) donc la possibilité de se reposer, de glisser en pente douce vers  la promenade. Le temps annoncé est radieux, sec et chaud !

J-1

Un peu de stress, toujours la crainte de ne pas finir, je sais que je suis physiquement prêt mais avec cette certitude arrive l’envie d’aller mieux, un peu plus vite. Ne plus être dans l’état d’esprit que finir est le seul objectif. Pas cette fois-ci, pas cette année. Je me sens bien.
Je regarde mes temps de passage 2013, et j’établis mon tableau de marche :

  • Buc (km 23) : 2h23 ;
  • Observatoire de Meudon (km 46) : 5h00 ;
  • Chaville (km 56) : 6h10 ;
  • Parc de Saint-Cloud (km 67) : 7h40 ;
  • Arrivée : 8h53 soit 50′ de moins que l’an passé.

Au niveau matériel, cela sera short/T-shirt avec coupe-vent léger dans le sac si l’arrivée est fraîche. Au pied les Salomon Slab XT6 (qui n’ont pas goûtées à la terre, uniquement de la neige!) et enfin la vrai nouveauté, mon coup de cœur de la veille du départ le tout dernier sac Salomon Slab : super ergonomie, la capacité à embarquer devant des flaques de 500ml et un poids à vide de 320g. Au total avec l’ensemble du matériel obligatoire (frontal, tél. gobelet, nourriture, etc.) un sac à 4kg avec 1.5 litres d’eau. Pas mal.

Jour J

Réveil à 6h30, petit déjeuner classique. Métro à 8h13, RER à 9h13.
Imaginez une heure d’affluence dans le RER mais uniquement avec des voyageurs bigarrés, uniquement des trailers, quasiment aucun « civil ». C’est impressionnant cette inversion des rôles, dans le métro le sportif en tenue est un décalé, un anormal toisé par des sédentaires qui se laissent si souvent porter par les escaliers mécaniques. Dans les trains du samedi matin pour l’EcoTrail, ils sont dans le rôle du décalé, de l’intrus, presque gênés au milieu de ces rires, de ces histoires de courses, ces aventures racontées encore et encore. Courir rendrait-il de bonne humeur ?
Pour ma part, je reste dans mon monde, musique (Submerged/Ghost dope) et calme.

Arrivée sur la base de Saint-Quentin-en-Yvelines vers 10:00. Moins de 2 heures pour finir de préparer et profiter du moment. Les groupes se forment. La météo est bonne même si quelques nuages et le vent me posent questions. Dans tous les cas, ne rien changer au plan. Découverte des toilettes sèches (Eco oblige…).

Mon voisin de droite semble inquiet et avoir de jolis problèmes aux pieds, je n’avais jamais vu (les autres non plus !) un coureur déverser quasiment un demi tube de vaseline dans chaque chaussure avant oser les enfiler. Je n’imagine même pas faire 100m avec une telle soupe et je frémi à l’idée du résultat d’un tel « mélange » après 10km. Cela m’apparaît suicidaire… J’imagine qu’il sait ce qu’il fait.

Aller, il est temps d’y aller.

Les consignes de sécurité, quelques encouragement et le départ est donné.

Rester concentré sur le rythme de la prise de boisson, ne pas partir trop vite ! Il fait bon, le terrain est sec, c’est super roulant. Je décide de partir dans le 1er tiers (env. Dans les 300 premiers), cela correspond normalement  à mon niveau. Et là le phénomène annoncé à lieu. Je me laisse aller à courir entre 5’25 et 5’40 au km (env. 10.8 km/h) et j’ai l’impression de me faire courir dessus par la cavalerie. Impressionnant, cela défile… Je m’oblige à mettre le frein à main, ne pas se laisser aller dans cette folie, l’objectif des premiers km ne doit pas être plus rapide que 5’45. Respecter mon tableau de marche est fondamental…

Pendant ce temps, j’observe tous ces pressés… Certains semblent avoir le profil mais d’autres – la grande majorité – semblent prendre un risque irrécupérable. Le chemin jusqu’à Buc est tranquille, il y a toujours ce passage sur le pont suspendu qui résonne et ondule. Très impressionnant et déstabilisant. Tout va bien même si se faire autant doubler est vraiment démoralisant.

Arrivée à Buc en 2h16 en 671ème position.

J’ai l’impression qu’il me reste trop d’eau. Et là surprise, catastrophe ! Je n’ai même pas consommé un demi-litre. Soit moins de 200ml/heure alors que par ce temps je devrais être à plus de 500 ml par heure !! Pas glop et pire même. Je complète et je me sermonne. Il est fondamental de revenir à une approche plus rigoureuse. Avec le recul, j’ai bu à peu près correctement sur la première heure et quasiment rien sur la seconde. Pitoyable et risqué !

Les choses sérieuses peuvent commencer.

L’EcoTrail démarre vraiment là et commence à finir au km 55…
La course continue en laissant à Buc ceux qui commencent à réaliser que le départ a vraiment été trop rapide. Les 6 minutes gagnées sur mes prévisions me laissent imaginer le mieux et me font oublier mon déficit hydrique. Dans le même temps, un peu de doute, je crois que le km 30 est mon mauvais km… c’est à ce moment que je pense que finalement cela va être long…

Je cours bien et je reprends pas mal des partis trop vite. Tout va bien. Finalement 8h30 pourrait être jouable. Rester concentrer et boire ! Il fait chaud et il va falloir gérer…

Ma fréquence cardiaque reste trop élevée, depuis le départ je tourne au-dessus de 150 et là avec les premiers amusements je passe au-dessus de 160. J’en ai pris mon parti, et je gère avec mes repères habituels +10, cela ne semble pas être un souci.  Les montagnes russes sont bien là avec de jolis enchaînements de montées / descentes à plus de 10 % sur des distances entre 500m et 1 km. Rien de violent mais la répétition joue. Pour le moment, cela passe et pas de problème pour relancer.  Je retrouve des chemins mémorisés l’an passé. J’en attends certains qui n’arrivent pas et en retrouve d’autres que je croyais beaucoup plus loin. Dans tous les cas, c’est sec là où l’an dernier il fallait passer incertain en pas de patineur dans une chorégraphie boueuse. L’ultra danse…

À partir du km 40, apparaissent les premiers coureurs arrêtés sur le côté en train de vomir, la chaleur et le départ rapide ont fait leur premières victimes, leur course va être longue…

Je vois passé un norvégien avec un superbe tatouage en haut du mollet droit « NorseMan » en référence au NorseMan triathlon en Norvège (un ironman en autonomie avec de sacrés dénivelés), cela m’amène le gimmick de la course : “We are NorseMan, we are all made of iron”. À répéter en boucle avec le sourire !!

Pas le temps de rêver…

L’observatoire de Meudon est là. Les marches pour monter au ravitaillement font mal, nous sommes trois et nous montons tranquilles. Passage en 4h53, 347ème (!). Toujours en avance. Génial mais pas de précipitation, cela commence à tirer et je reste sur mon rythme même si je commence à espérer une arrivée un peu plus tôt (8h30?) !

Je fais le plein d’eau de partout. Je rempli la poche, bois et rempli la flasque de devant (oh la bonne idée…). Mais comme tous les ans, l’accueil est très chaleureux et l’eau est sacrément froide… je repars avec l’estomac qui se tord dans tous les sens. Il faut y aller. Aller !!

Au milieu d’une grosse descente avec une route forestière en plein milieu, le SAMU avec un coureur à terre avec une couverture de survie et la tête en sang. Il est conscient mais la descente lui a été fatale.

C’est parti pour un tour de montagne russe dans Meudon, montée, descente, montée, descente… Et hop environs au km 50, dans une descente, la première crampe au grand adducteur gauche. Et voilà,  en ultra les erreurs se paient toujours cash, ce qui n’est pas bu ou mangé dans les premières heures est irrattrapable, il suffit d’être patient, la note va tomber. Plus ou moins lourde. Et là, c’est du lourd.

J’ai l’impression que nous sommes tous logés à la même enseigne, les relances sont plus tardives, plus difficiles, nous jouons tous au yo-yo. Nous sommes dans le dur.

Cache-cache

Et là, c’est parti pour 25 gros km de crampes, cette impression puissante que tout va s’arracher, que le muscle se détruit de l’intérieur. Là il faut gérer, ne pas dépasser le raisonnable tant que rien n’est abîmé, il est possible de continuer. Donc le jeu de cache-cache peut commencer La règle est simple :

  1. Appréhender la crampe avant que la contraction ne soit « définitive » ;
  2. L’arroser d’eau froide (d’où la bonne idée de remplir la flasque de devant…) ;
  3. Marcher quelques minutes pour accepter, inutile de se massacrer ;
  4. Expliquer au cerveau qu’une crampe n’est pas un élément définitif ;
  5. Accepter d’allonger le pas alors que le muscle se refroidit et donne l’impression de se durcir. L’idée est de l’étirer afin de le détendre et arrêter la crise ;
  6. Expliquer au cerveau qui commande et qu’il ne faut pas attendre et repartir. Repartir !!!

Et hop, à la suivante. Les séquences de cache-cache peuvent commencer. D’abord le grand adducteur gauche, puis le droit, ensuite le vasque interne gauche puis le droit et enfin le droit antérieur, puis on recommence dans le même ordre avec un petit répit avec l’ischio-jambier. Il faut vraiment aimer le cache-cache.

Seconde technique du cache-cache, monter comme on peut et descendre sur les talons les genoux serrés afin d’éviter tous les étirements inutiles, laisser les muscles groupés mais prendre le risque de se massacrer les ongles de pieds (et oui tout à un prix).

Pendant ce temps les kilomètres avancent encore bien et j’arrive à Chaville (km 56) en 6h16 (325ème). Ça y est, le retard s’installe, 6 minutes de retard sur le plan de marche. Aller, il faut tenir, encore 23 km. D’abord prendre de l’eau, boire et remplir la flasque de devant, arme fatale de gestion  des crampes. Ensuite boire du Cola, il faut du sucre…

C’est là que je retrouve une féminine à la lutte avec d’autres filles mais en voulant résister au retour des « copines », elle s’est cramée. Je la trouve assise dans l’herbe en pleine récupération, tout à un prix. Courage ! Je n’ai pas vu son dossard, j’espère qu’elle est vite repartie.

Repartir, vite

Je veux à tout prix arriver au dernier ravitaillement avant la nuit, faire tout cette partie du parcours en vision diurne alors que toute cette partie a été faite à la frontale l’an dernier. Restera les derniers 11/12 km à la frontale. Et puis si les 8h30 semblent devenir déraisonnables, 09h00 reste réalisable. Vanos !!

Mon plan de route doit m’amener au dernier ravitaillement à 7h40 pour tenir dans mes délais.

Les kilomètres commencent à ralentir, un premier coup d’œil au GPS me montre un peu moins de 60 km là où j’aurais parié être à 62. Pas glop. Tenir. La douleur est là et il faut faire avec.

Encore un coup poignard dans le grand adducteur gauche, le muscle semble se durcir de plus en plus vite avec une réelle marque. Un vrai boiteux sur les chemins.
Arrive un coureur en T-shirt blanc en désordre qui se retourne vers moi avec une moue d’interrogation et un bout de sourire réconfortant : « ça va ? », je réponds d’un oui de la tête (car la tête, elle va bien) et je repars, un peu requinqué, expliquant encore une fois à mon cerveau la différence entre alerte et catastrophe. J’insiste, il ne s’agit que d’alertes…

Les kilomètres avancent un peu mieux. La fin du parc de Saint-Cloud et le ravitaillement sont là…

Arrivée en 7h46. Pas trop mal. Toujours 6 minutes de retard sur le plan de marche global mais exactement le temps de parcours prévu pour cette portion (qui reste proportionnellement la plus lente du parcours). Passage en 311ème position et donc malgré mon état qui lui aussi avance, je continue à remonter dans le classement… et je suis bien arrivé avant d’avoir à mettre la frontale même si le dernier km s’est fait en omettant quelques détails dans le paysage. On y voit plus grand chose…

À la frontale

lhsblg01Les lunettes dans le sac et la frontale sur la casquette, me voici équipé en trailer nocturne. La priorité, boire et faire le plein de la flasque de devant, mes muscles vont être arrosés par dedans et par dehors… Repartir tranquille.
En route. En route vers les lumières de la ville, en route vers les lumières de la grande dame. Les chemins et la route me sont familiers et j’ai toujours la même impression en sortant du parc de Saint-Cloud, Paris nous voilà ! Mais non, il y a encore un petit tour avant de rentrer dans la capitale, longer les quais côté circulation sur des trottoirs trop étroits, des escaliers, monter, descendre encore et encore. À ce moment, les escaliers sont vraiment une jolie épreuve.

Je n’arrive pas à me rappeler quand il est apparu dans mon radar mais je me suis retrouvé à faire l’élastique ou le clignotant avec un autre coureur. Quand l’un met pied à terre, l’autre repart et vice versa. L’un devant puis derrière. Finalement, sans se connaître cela crée des liens.

Alors on avance, on se motive, on ramasse ceux pour qui les derniers km sont longs, trop longs. Certains nous passent comme des avions…

Les derniers kilomètres

Les derniers km dans Paname avec les parisiennes charmantes qui nous sourient restent un vrai bonheur après plus de 8h30 de promenade.

Le port de Javel, l’allée des cygnes et Bir-Hakeim qui pointe, la grande dame nous salue depuis quelques km déjà. L’arrivée est proche et la « colline » de Passy promise nous attend. Nous continuons à jouer le yo-yo avec mon colocataire de bitume, le passage du pont de Grenelle est l’occasion d’un gros ramassage et de la dernière photo. Mon colocataire démarre et semble s’envoler,  chouette, il finit bien. Arrivent les escaliers de la rue d’Alboni qui me permettent de revenir sur mon coloc que je croyais définitivement échappé, trop monstrueux ces escaliers et pourtant personne ne prend les escaliers mécaniques qui permettent l’accès la station de métro Passy. Pas d’assistance en dehors des ravitaillements et même après plus de 77km, la règle reste la même : « we are NorseMan and we are all made of iron ».

En haut des escaliers, à droite, le boulevard Delessert. Mon compagnon de fortune est cuit et pourtant le revoici à ma hauteur, nous courons comme 1 seul. Nous sommes à 11.5 km/h, avant de remonter vers le haut du Trocadéro, notre arrivée, j’hurle aux bénévoles de bloquer la circulation : nous ne nous arrêterons pas, hors de question ! Ils font le boulot, génial. Mon binôme n’en peut plus, sa femme court à ses côtés, il est juste derrière moi pour la montée sur le podium d’arrivée. Je le cherche, nous devons franchir la ligne ensemble. Et voilà, une arrivée groupée. 296ème en 09:02:09. Soit 41′ de moins que l’an dernier et 260 places gagnées !

Épilogue

En résumé, 10′ de retard sur l’horaire prévu et surtout une grosse frustration, sans ma stupidité sur les 22 premiers km et surtout en le km 10 et 25, il y avait vraiment la place pour finir en 8h30 ! Il est clair que je connais déjà mon objectif pour l’an prochain.
Une  bonne leçon pour l’année prochaine et surtout pour l’ultramarine de 177km. Là il va falloir être sérieux et rigoureux.

En souvenir immédiat : des crampes rien que des crampes (et une jolie ampoule…) !

Après l’arrivée, la douche avec cette année de l’eau chaude (le privilège du 1er tiers?) et une douche glacée pour aider la récupération. Sortie du stade, et promenade à la recherche d’une glace. Cela sera Vanille/fraise avec 2 bouteilles de San Pellegrino…

lhsblg02Dans tous les cas un grand merci aux organisateurs et aux bénévoles qui rendent nos aventures possibles et presque confortables. Gentils serviables avec toujours un petit mot d’encouragement.

Un autre grand merci à tous les spectateurs et leurs encouragements répétés le long des chemins. Un vrai carburant.

Pour finir, 2 jours après, la frustration diminue pour voir les progrès réalisés. Elle disparaît pour accepter, réaliser que je semble passer – pour les distances <= 100km – d’un « l’objectif est de finir » à « quel temps cette fois ». Et ça c’est une chouette nouvelle…

La promenade en chiffres

  • Distance : entre 78 et 80 km selon les sources ;
  • Vitesse moyenne : 8.88 km/h (peut mieux faire, 10 est le premier objectif) ;
  • FC moyenne : 151 ppm (bonne perf.) ;
  • D+ : 1491m (selon les organisateurs, sans doute un peu moins) ;
  • Énergie dépensée : 5772 Kcal ;
  • Perte de poids due au déficit hydrique > 3kg (un cauchemar !) ;
  • Classement au scratch : 296 ;
  • Classement V1H : 116 ;
  • Nombre de partants : 1582 (plus de 1900 inscrits) ;
  • Nombre de finishers : 1320.

La météo

Soleil, sans doute 21/22°C.

Le matériel utilisé

  • Salomon pour les vêtements (T-shirt manche courte, short à compression, casquette, petit coupe-vent) ;
  • Le dernier né des sacs Slab, 320g, 12 litres et une merveille ergonomique en course ;
  • Salomon Slab XT6 pour les chaussures ;
  • Petzl Nao pour la frontale ;
  • Cébé, s’track pour les lunettes.

La playlist (plus de 6 h)

  • Bucketheadland / Backwards Chimney ;
  • High Tone / Outback – CD 1 & 2 ;
  • Asian Dub Foundation / Live [ Keep Bangin’ On The Walls ] ;
  • Joanna Size / Rodina Remixes and various.

Le site de la course

http://www.traildeparis.com/

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