La SaintéLyon

le 8 décembre 2013 à 9:40

La SaintéLyon 2013, c’est fait. En voici mon histoire…
C’est amusant, les sportifs doivent être plus brillants dans la capitale des Gaules. Cette fin de semaine, c’est la fête des lumières à Lyon et la fameuse « SaintéLyon ». Fameuse car c’est aujourd’hui la plus ancienne course dite « nature » – 60e édition cette année – qui réunit 14000 participants sur l’ensemble des courses et env. 6800 sur la solo de 75 km entre Saint-Étienne et Lyon. La mienne.
Sur le papier, c’est une descente (Saint-Étienne est plus élevée que Lyon) mais avec 1800m de D+ et 2100m de D-.
C’est amusant, la SaintéLyon, c’est de nuit, et ce n’est pas aujourd’hui que je vais découvrir les Monts lyonnais. Le départ est à minuit de Saint-Étienne, à l’origine cela permettait aux ouvriers travaillant le samedi d’y participer. Donc une nuit blanche. Mais vraiment blanche, avec au programme, de la neige, de la glace et de la boue. Seul le verglas m’inquiète un peu.
Qui dit départ à minuit, dit attente. Voyage en train jusqu’à Lyon, retrait du dossier à Gerland, puis de nouveau le train jusqu’à Saint-Étienne puis attendre, attendre. Tuer le temps sans monter en pression, un exercice Zen.
Arrivée à Lyon à 16:11, retrait du dossard avant 17:00, train de 17:24 pour Saint-Étienne, arrivée à la gare à 18:11 puis 10/15 minutes de marche jusqu’au parc expo. Ouf.
18:30, me voici enfin dans le saint des saints, un vaste hangar à… coureurs. On s’installe comme on peut, dans les gradins à la lumière, sans lumière, sous les gradins, dans l’arène sur un tapis de sol avec ou sans sac de couchage. Bref plus de 5 heures à tuer à essayer de se reposer ou de dormir et à faire disparaître cette satanée sinusite. Pour moi, c’est quelques gâteaux au chocolat et un somme sur mon sac de voyage dans le gradin sans lumière mais à bascule. Ah le confort… Une sono inutile, polluante, un brouhaha et donc le casque pour se mettre au calme.
21:30, boisson d’attente avec de la Maltodextrine. Il faut alimenter mes compagnons de route, mes muscles afin qu’ils ne crient pas famine dès les premières montées.
22:00, habillage, je deviens un coureur. À priori nous aurons entre -4°C et 0°C, pas trop froid donc. Cela sera 3 couches et un bon coupe-vent afin de ne pas prendre de risques aux ravitaillements.
23:00, quelques échanges avec mes voisins et je suis fin prêt. Je dépose mon sac à la consigne (le froid à l’extérieur me saisit et je tremble sur place). Je suis enfin uniquement un coureur (pour l’organisateur un dossard…).
23:45, je tente de chercher le sas correspondant à mes ambitions : entre 9h et 11h. Je trouve une place bien loin de la ligne de départ. On verra bien, pas d’impatience. Ma FC est bonne en considérant l’excitation du départ : 70p/mn. Tout va bien, je suis dans ma bulle.
00:00, le départ. On piétine puis la première partie roulante permet de s’installer.
J’ai finalement choisi des chaussures pur trail et mauvaises conditions, les SpeedCross3 de Salomon. Elles ne tapent pas trop – pour l’instant – sur le bitume.
Km 7, le « vrai » départ et la première montée tout va bien, mon rythme est bon, les sensations excellentes. Les premiers marcheurs apparaissent. Je continue tranquillement, cela va monter jusqu’au km 40, jusqu’à l’amorce de descente sur Lyon.
Aux environs du km 10, les premières neiges, les SpeedCrosss sont mordantes, elles accrochent comme des mort-la-faim et me permettent d’être à l’aise, d’attaquer dès que la pente est moins forte, de bien gérer les montées. La neige est rapidement abondante, il n’y aura pas de transition. Les premières plaques de verglas apparaissent aussi. Premières glissades et figures. Tiens, je viens de faire 2 bons mètres sur un seul pied. Il faut rester concentré, lire la réflexion de la frontale sur le sol mais avant tout, les pas du coureur qui précède. J’ai l’impression de courir dans le métro aux heures de pointes. Par contre, le sol du métro reste praticable. Là, certains passages ressemblent et vont de plus en plus ressembler à une piste de bobsleigh.
Dans la neige, la glace. Rester concentré.
Je me demande comment reconnaître une plaque de verglas dans ces conditions. La réponse est simple : tu la reconnais lorsque tu es dessus et il ne reste plus que le sens de l’équilibre puis le sens de l’humour. Il vaut mieux en sourire. Rester tranquille et attaquer quand les voisins tentent la prudence. De toutes les façons cela glisse alors autant passer vite et dynamique. Le seul problème est que cela bouchonne !!
Figures seul ou à deux, j’arrête de compter les glissades en espérant continuer à éviter les chutes. J’attaque !
Passage au premier ravitaillement à Saint-Christo (km 16). Il y a du monde – beaucoup de monde pour nous encourager. Je cherche le remplissage d’eau. J’ai décidé de ne pas m’arrêter à la nourriture (j’ai mes gels) et de prendre 1 litre à chaque arrêt (j’ai mes réserves de mélange perso – 40g de Maltodextrine + 30 g de fructose + 2 pincées de sel). Arrêt aux stands OK.
Cela repart bien et nous commençons par piétiner la clôture d’un champ, la majorité refusant de passer sur le chemin verglacé. Les champs enneigés se passent bien à condition d’éviter les clôtures… Je continue sur ma lancée, profite, regarde le long serpentin des dos de frontales et hop, au km 18, ma première chute avec atterrissage sur le bas du dos. La douleur est vive. Quelques minutes d’inquiétude mais à priori rien de cassé. Il va me falloir 2 heures pour commencer à oublier cette douleur mais je suis tombé avec le sourire (il fallait bien que cela m’arrive).
Rapidement les chutes 2 et 3 me rappellent encore à l’ordre. Rien de grave.
Sainte-Catherine (km 30) passe bien. Ravitaillement efficace. J’ai pris du retard sur mon objectif (9h) mais vu les conditions et les bouchons, pas d’affolement, le peloton va bien finir par s’étirer (ou pas).
Il n’empêche que zigzaguer et être obliger de s’arrêter en montée (voire en descente) est très très frustrant et désagréable. Tout semble se faire sur un faux rythme.
Quelques grosses crampes – dues aux nombreuses glissades – apparaissent sur le côté intérieur des ischio-jambiers. Très douloureux mais gérable.
Je me demande si nous aurions osé passer là de jour…
La boue commence également à apparaître. J’adore ! Les SpeedCrosss sont dans leur élément et moi aussi. Il suffit de couper, d’accélérer, cela tient. Un vrai bonheur… Jusqu’au km 37.
Mon pied gauche accroche bien mais le droit part sans appui. Je suis en appui sur… rien. Le genou pli, j’ai la sensation que le talon gauche va heurter la cuisse, que les quadriceps gauches se déchirent et que le tout part en torsion. La douleur est intense et je me retrouve au sol, inquiet. Je me relève vite mais impossible de m’appuyer et encore moins de relancer avec le côté gauche. Ni marche, ni course. La peur m’envahit, pas le doute, juste une peur : cela sent l’abandon forcé. Non, impossible ! Non, mille fois non. Je ne suis pas là pour abandonner. La douleur me ramène à la réalité. OK, pas d’affolement, pour l’instant, la première des priorités est de marcher, de faire un point des dégâts, de voir comment continuer et surtout de ne pas tomber de nouveau. La chute n° 4 aura été la mauvaise. Je gère la douleur, hors de question de l’oublier mais si rien n’est sérieusement cassé ou déchiré hors de question d’arrêter. Miracle, je marche, je trottine puis je cours. Je suis à la mi-course, il va falloir gérer, se concentrer sur l’essentiel : finir au mieux. Premières vraies reprises d’appui et hop je m’envoie en l’air avec une retombée très sèche sur le genou – Aie ! Je repars et encore une chute – toujours avec cette douleur pointue dans la cuisse gauche. Je m’aperçois que la première conséquence de ce qui semble être une belle élongation est que je n’ai plus de réponse dynamique lors des glissages. Résultat : je glisse donc je tombe. Je deviens très très prudent (parano) pendant plusieurs km. Je sais que passer Saint-Genoux (km 40), tout devrait être plus facile. En attendant prudence.
Arrivée au ravitaillement de Saint-Genoux. Il y a toujours du monde pour nous encourager. Eau puis déshabillage. J’ai pris du décontractyl en pommade. Peu importe son efficacité, cela va être bon pour la confiance de masser cette cuisse si douloureuse. Reste env. 35 km. J’ai, au départ de Saint-Genoux, 40′ de retard sur l’horaire. Avec les chutes et la douleur, j’ai perdu 30′ sur les derniers 10 km.
Je sais que je vais devoir abandonner mon plan de faire les 35 derniers km en mode avion de chasse à fond la caisse mais je décide de continuer à me battre et à ne pas renoncer aux 9h. Même si cela échoue, je serai à minima Sainté de bronze (moins de 10h). Aller !
Voyons donc ce que je sais faire sur une jambe et demie en serrant les dents. D’abord rester zen, ne pas se crisper et profiter. Le prochain arrêt pipi me donnera raison le ciel étoilé est magnifique.
Cela tiens ! Aucun problème en montée (mise à part les bouchons encore et encore, je déteste m’arrêter pour cela) mais en descente, c’est l’enfer, mon quadriceps gauche ne peut pas faire son boulot et la douleur redevient vive. Tant pis, il faut avancer, ce n’est pas à 20-25 km de l’arrivée que je vais lâcher. Soucieux (km 54) n’est plus très loin. Quelques échanges avec mes compagnons de fortune, certains et notamment une coureuse, se posent la question de la proximité du ravitaillement. Lorsque je lui annonce que selon moi nous devrions être à environ 3 km, elle allume les rétro-fusées alors que nous avançons tout de même à un rythme entre 5’35/5’45 au km. Impressionnante !! Note : l’ayant ensuite « déposée » après le ravitaillement, je pense qu’une envie pressante a servi de carburant…
Cela fait quelques dizaines de minutes que j’ai l’impression que ma lampe faiblit. Et finalement, voilà, elle clignote. Plus de 6h30 d’autonomie en mode réactif, pas mal. Changement d’accu en pleine descente forestière. Le changement s’effectue dans le noir presque total. Quelques secondes d’inquiétude mais même avec les gants je connais assez le matériel pour opérer au toucher. Et la lumière fut. Tout va bien, je repars.
Arrivée puis départ de Soucieux, 45′ de retard sur l’horaire. 7:07 à l’horloge en repartant. Là, rien ne va plus, il va falloir reprendre les choses en main. Depuis quelques km, plus du tout de glissages, plus de sols en apparence parfait mais en fait de véritables patinoires dû à une fine couche de glace / givre sur un terrain durci par le gel. Je dois pouvoir reprendre un rythme plus normal. Au diable ma cuisse, elle suivra.
J’ai fait le plein d’eau, à part la cuisse, je me sens en pleine forme pas du tout entamé par les premiers 54km. Il est temps de réagir. Je repars sans aucun doute avec pour seul objectif mes 9:00. Même si je crains le final avec la côte à 19 %, les 240 marches et le bitume, tout est possible. Ma « fraîcheur » me permet de bien gérer les moments faibles et les moments forts, de pousser tant que cela est supportable et de prendre les descentes comme cela peut avec le frein à main (cela va me coûter 2 ongles de pied).
Profiter du lever de soleil, le paysage apparaît. Enfin ! Au détours d’un chemin, une prairie et un hameau tout blanc apparaissent encore enveloppés de brume. Magnifique.
Et cela fonctionne, je passe Bonnand (le dernier ravitaillement au km 68 avec 30′ de retard en regard de mon objectif. 15′ de rattrapées sur les derniers 14km parcourus en 1:22. Mama Boum !!!
Je me dis que 9:10/9:15 deviennent possibles. Je continue, remonté à bloc. Mais rapidement le principe de réalité me rattrape. Tout se fait en majorité en descente et la douleur devient très pointue, je fini une des descentes à 5km/h tentant de tenir encore sur la jambe.
Je n’ai plus d’yeux que pour mon chrono, j’oublie la montée à 19 %, les escaliers, les passages glauques dans les chantiers. Je dois faire 9:30. Hors de question de passer de l’autre côté de la demi-heure. Avancer encore, accélérer (!?), ne rien lâcher. En plus, je ne connais pas Lyon, je ne sais pas où je suis, ni à quoi ressemble Gerland. Les panneaux X km ne sont pas suffisants. Ne rien lâcher. L’arrivée est là, encore quelques mètres ne rien lâcher.
9:30’36”. Oui ! Satisfaction sans vraie joie.
Une question me vient à l’esprit. J’espère que Florent a pris son temps et n’a pas encore fini son petit déjeuner, j’avais fanfaronné par courriel que j’arriverai avant qu’il l’ait fini. J’apprendrai après, qu’il n’a pas eu le temps d’arriver à Gerland pour m’encourager !
Voilà une course finie mais sans l’éclat d’un Millau, par exemple. Trop de monde, trop barnum. L’impression d’une course techniquement facile, sans réelle difficulté, qu’il est effectivement possible de faire vite et je regrette ma prudence au départ. Mise à part les bobos des chutes, j’arrive bien frais.
Mais ce n’est pas fini. Le stand des T-shirt de finishers est invisible et très très mal indiqué mais je fini par le trouver. J’obtiens mon T-shirt sans mot d’encouragement. Je continue d’avoir cette impression d’être dans un troupeau, du simple bétail pour le spectacle. OK, maintenant le sac, se changer, être sec (les passages boueux inondés ont laissé des traces…). Un seul panneau pour les sacs. Je ne trouve pas et fini par demander à un coureur qui a récupéré le sien, il me donne le plan du labyrinthe. J’arrive sous une tente (en refaisant le tour de Gerland) où les sacs sont en accès libres (génial) dans un petit fond d’eau (encore plus génial). Cela ne me rend pas le sourire. Les douches, où sont les douches ? Je ne les trouve pas, et je ne vais pas être le seul (en fait il fallait faire 300m à l’extérieur!). Plan B, les toilettes avec mon kit de toilette de survie. Nickel ! Je suis enfin « propre » et changé. Vite partir de ce lieu sans âme et bruyant, trouver un train plus tôt et retrouver Kauq. Je peux retrouver le sourire.
Le bilan :
Avant tout les encouragements sur le parcours, tout au long de la nuit (avec des cloches, des tambours, des feux, etc.) et pas uniquement aux ravitaillements, dans les villages, aux croisements. Partout. Des applaudissements, encouragements, des tapes dans les mains. Formidable !!
9:30’36”, 1008e (76/77km avec 1900m D+ et 2300 D-) avec une FC moyenne à 148 (max 173). Une vitesse moyenne de 8,3 km/h et 5847 kcal de dépensés. Bilan correct mais il y a vraiment de la marge.
Une élongation aux quadriceps gauches, 3 trous au genou du même côté, un dos avec un petit œuf en guise d’hématome, un tibia bien marqué par les coups et une cheville gauche un peu enflée.
Par contre, 48h pour récupérer (plus de courbature le mercredi matin). Reste la petite bronchite à soigner.
La satisfaction de l’avoir fait (ça c’est fait).
L’impression d’un grand barnum avec une organisation plus qu’approximative (et je suis gentil) et le sentiment que les coureurs ne sont qu’anecdotes mais certainement pas au centre de l’évènement. Je ne reviendrai sans doute pas.
Un parcours beaucoup plus facile qu’estimé voire même trop roulant.
Un peu plus de 5000 arrivants sur 6800 annoncés au départ.
Des chaussures de rêve (les speedcross3 de Salomon)
Et le sentiment d’avoir encore beaucoup appris. Il m’apparaît clairement que sur des distances inférieures ou égales à 100 km, l’enjeu n’est plus si je vais finir, mais comment. Je devrai pouvoir mettre un peu de vitesse dans les prochaines. Ces distances (de l’ultra court) me semblent familières et normales. Il va falloir passer au cran du dessus et ça, c’est une vraie bonne nouvelle.
Merci pour tous vos encouragements, ils me servent de munition pendant la gestion des moments difficiles.
Matériel :
– SpeedCross3 de Salomon pour les pieds ;
– Nao de Petz, j’adore la lumière réactive ;
– Odlo en couche technique, le bonnet et les gants ;
– Salomon pour le short, la couche intermédiaire, les mitaines et le sac ;
– The NorthFace pour la couche chaude et le coupe-vent ;
– L’Ambit de Suunto pour les données ;
– Gu pour les gels
– Samsung pour la musique.
– La play list (env. 4h30): The orb (remixé par Bill Laswell), Genesis, Charlie Winston, Wax Taylor, Johanna Syze.

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